Dans le domaine des transports, il existe un secteur pour lequel les fabricants de pneus ont recours à des technologies absolument cosmiques. Littéralement cosmique en fait, car il s'agit des pneus grâce auxquels les véhicules fabriqués par l'homme roulent sur la surface de planètes étrangères et d'autres objets célestes.

 

 

Le modèle Spring Tyre se compose de 800 ressorts indépendants. (photo Goodyear)

Le modèle Spring Tyre se compose de 800 ressorts indépendants. (photo Goodyear)

Le pneu avec des cordes à piano

Au lieu de caoutchouc - 800 ressorts supportant la charge. Leur but? Servir aux grands véhicules spatiaux hors de toute portée. Le modèle appelé Spring Tire est l'une des dernières inventions de l'industrie du pneu, conçu en 2009 par les ingénieurs de Goodyear. La construction en ressorts de ces pneus, imaginée en coopération avec la NASA, a été construite avec de la corde à piano renforcée par une couche de titane du côté effectuant la traction. Ces 800 ressorts déformables et indépendants formés avec de la corde à piano entortillée, forment un tout transparent, que par simple habitude nous appelons ‘un pneu’.

Le modèle Spring Tire a été créé spécialement pour une autre mission lunaire - il permet de rouler sur des surfaces accidentées et même lorsqu’un ou plusieurs ressorts se retrouvent endommagés, le véhicule peut continuer à avancer. En plus, les ressorts s’ajustent à la surface, assurant ainsi une traction excellente, et de cette façon le pneu ne chauffe pas comme son équivalent classique.

Vivake Asani, ingénieur en chef au Glenn Research Center de la NASA, à Cleveland, est une autre invention cruciale pour continuer à explorer l'espace. Le pneu à ressorts de Goodyear a été testé sur le transporteur de la NASA, le Lunar Electric Rover, et a également été soumis à des tests au centre de recherche nommé le Johnson Space Center ‘Rock Yard’, à Houston. Si dans un proche avenir, les Américains décident de retourner sur la Lune, c’est justement le Spring Tire qui assurera le transport sur la surface lunaire.

Nous n’amenons pas de carbone sur la lune

L'invention décrite montre l'ampleur du problème, avec lequel les scientifiques doivent lutter lors de la planification des missions spatiales, et ce depuis plus d'un demi-siècle. Les pneumatiques que nous utilisons sur Terre, même parfois dans des conditions extrêmes, perdent tout simplement la majorité de leurs propriétés dans un environnement lointain, bien différent de celui de la Terre. Par exemple, les propriétés du caoutchouc changent assurément sur la lune, où les fluctuations de températures changent de plusieurs centaines de degrés. Le rayonnement solaire, qui n’est pas filtré par l'atmosphère de notre planète, entraîne la détérioration du caoutchouc et cause une éventuelle perte de pression à l'intérieur du pneu.

Lors du premier voyage vers la Lune, organisé par les Américains en 1969, on n’a pas tenu compte de ces obstacles. On n’en a pas tenu compte car le rover lunaire (Lunar Roving Vehicle) n’était alors qu’en projet. Le premier de ces véhicules, construit par Boeing, est arrivé à la NASA en Avril 1971, spécialement pour les missions Apollo 15, 16 et 17. C’était autre chose pour l'expédition Apollo 14, commencée en Janvier 1971. En effet, c’est un transporteur à deux roues qui a accompagné les astronautes (le Mobile Equipment Transporter) Il était équipé de pneus, qui, au premier coup d'œil, ressemblaient aux pneus terrestres. En effet, le modèle XLT de Goodyear fut conçu à partir d'un caoutchouc synthétique appelé le NATSYN, mais au lieu d’être rempli d'air, il était rempli d'azote. Le gonflage des pneus, avant le décollage, s’est fait dans la chambre à vide afin d'en optimiser leur pression pour les conditions lunaires. De plus, les pneus étaient préparés à transporter des charges correspondant à un poids d'environ 165 kg sur Terre.

Une autre chose intéressante – contrairement aux pneus traditionnels, le composant du modèle XLT n’était pas le noir de carbone mais une autre substance développée par Goodyear, non basée sur le carbone. Les scientifiques, préparés à rechercher d’éventuelles traces de carbone qui auraient apporté l'espoir de trouver une forme de vie sur la lune, ne voulaient emporter aucun matériau à base de carbone terrestre - afin d'éviter toute interprétation erronée de leurs découvertes.

Le Rover lunaire de 1971, équipé de pneus Goodyear (photo Wikipedia.org)

Le Rover lunaire de 1971, équipé de pneus Goodyear (photo Wikipedia.org)

Des pneus dans les navettes spatiales

Revenons au Spring Tire: il faut se rappeler que, même si aujourd'hui la NASA et Goodyear se vantent de l’aspect innovateur de cette invention, sa conception n’était que dans la continuation de la construction des premiers pneus grâce auxquels le LVR (Rover lunaire) s’est déplacé sur la lune en Août 1971, au cours de l'expédition Apollo 15. L’idée est similaire : les pneus de LVR étaient faits de corde à piano en acier galvanisé et ont été renforcés par une sorte de bande de roulement composée d’éléments en titane disposés en chevrons croisés. Avant d'envoyer des hommes sur la lune, différents types de ‘pneus’ ont été testés à la NASA pour le Rover lunaire. Et, fait intéressant, c’est la solution proposée par la Defense Research Laboratories de General Motors qui a finalement été choisie. En d'autres termes, c’est un constructeur automobile qui a conçu le premier pneu non gonflable à avoir atterri sur la lune.

A l’exception de Goodyear, deux autres marques ont apporté une importante contribution à l'exploration spatiale. Tout d'abord, la compagnie BF Goodrich, a fourni les pneus pour la première navette de la NASA - Columbia, qui a accompli 28 vols et a passé plus de 300 jours dans l'espace. Il ne faut pas oublier que si le décollage de ce type de navettes se fait à la verticale, l'atterrissage a lieu sur une piste d'atterrissage. Cela explique l’utilisation de pneus d’avions sophistiqués.

Lorsqu’en 1988 la société américaine est devenue la propriété de Michelin, le secteur principal de ses activités inclus - à savoir les pneus automobiles, le groupe français acheta également un département de valeur : celui concernant les pneus d'avion. Peu à peu, la marque Michelin a remplacé BFGoodrich dans les contrats avec la NASA. En 1995, les premiers modèles de pneus ont été envoyés à l'agence spatiale américaine dans le cadre de l'équipement de la navette Discovery. Michelin a aussi fourni des pneus pour les navettes spatiales Atlantis et Endeavour.

De l'espace aux routes terrestres

Le dernier produit de la collaboration entre Michelin et la NASA est la conception des pneus Lunar Wheel, qui, comme le Spring Tire de Goodyear, peut être installé sur la nouvelle génération de véhicules lunaires. L'idée des ingénieurs français est légèrement différente de celle de leurs concurrents américains. Le Lunar Wheel est basé sur la technologie Tweel de Michelin – la conception de ces pneus repose sur des rayons flexibles rassemblés autour d’une jante faite en matière plastique. D'autre part, une bande de roulement textile permet la conduite et le contrôle de la traction, même à de très basses températures. Le pneu a été conçu en collaboration avec des scientifiques de l'Université de Clemson et l’entreprise Milliken & Company. Depuis quelques années, le pneu est testé à Hawaii, où le relief du terrain rappelle par endroit les sols meubles de la lune.

Une dernière question : quelles technologies spatiales a-t-on réussi à réutiliser sur les routes terrestres? Juste après la sortie de Lunar Wheel, des représentants de Michelin ont annoncé que cette invention serait testée pour une future utilisation sur les voitures. De son côté, alors qu’il travaillait sur la sonde Viking Lander, Goodyear a développé des matières textiles solides, utilisées pour les parachutes, pour la production de pneus radiaux. De plus, l’expérience acquise après Apollo 14 pour laquelle l’entreprise américaine avait dû créer un matériau extra solide, résistant à la crevaison et à l'usure, fut réutilisée par la suite pour la production de pneus hiver. Comme il s’avéra ultérieurement, ces pneus pouvaient surmonter 16 000 kilomètres de plus qu’auparavant, et ce grâce aux découvertes spatiales.